Auteur: Jolyon Derfeuil ©
Part 1
Oublié
Oublié sur l’étagère
Mon vieux solo de blues
Sur la 58ème rue
J’étais presque nu
Je revidais pour la 15ème fois
Ma bouteille de Ginger ale
Et me lavais les dents dans la lune
Oh sexy, sexy
La vendeuse de journaux
Le Times ou
Le New York Herald Tribune
L’horoscope, pourquoi faire ?
J’avais déjà lu dans ma boule
Alors vous pensez, les dollars à la petite cuillère..
Roulement de batterie
Caniveau sous la pluie
Quelques diamants sur la banquette du taxi
Maintenant Free jazz pour l’errance
Un peu de bruit dans les yeux
Des morceaux d’ongle sur le vinyle
J’ai le compteur mauvais
Et l’haleine de même
Mais ce soir j’aime
La radio la radio la radio
Part 2
Broadway Blue jazz,
La lune coincée entre deux tours
Automne-hiver 1956
De boîte en boîte
Je fais des ricochets
Et balance mes cigarettes dans le soupirail
Sur le sidewalk
Les traces d’un saxophone éclaté
Notes éparses,
Overdoses de blue-note
Il est probablement mort
D’avoir trop soufflé
Dans les cernes de ses yeux
Jazz-claque
Deux talons aiguilles dans les prunelles
Je rêve que je souffle dans la lune
Jazzy saxo !
Charlie Parker me tape dans le dos
Et j’expulse…un vibrato
Friction grave
Un peu sourd dans l’âme
Le clavier du cuivre me fend l’oreille
Et laisse la zone en suspend
Mon âme est coincée
Entre les poubelles et les murs
De la 17ème rue
Sexy poubelle, sexy demoiselle
Un air de piano me prend à la gorge
Là-bas, c’est un drôle de tueur
Il dit :
Improvise le couteau
Pendant que j’aiguise un morceau…
Part 3
Musicien du free
Celui qui s’avance en silence
De la paille dans les viscères
Et de l’air dans la tête
Homme faux, labyrinthique
Une note, red note
Qui va et vient dans le corps
Body and soul
Pas trop grave le soir
Dans ses poches des restes de cadavres numériques
Accouplement passé futur
Il rit très fort parce qu’il est sur
L’avenue Oscar Peterson
(l’homme au piano flamboyant)
Il fait nuit et les diamants
Sont dans ses yeux
Il ressort, lessivé d’un de ses clubs
Son maigre cachet sera pour la bouteille
Et le petit déjeuner à l’hôtel
Part 4
Free grave, free jazz, free crime
Contrebasse de bois, duel de note
Cacophonie du cœur
De la nuit
Tout ce qui m’accompagne en killer
Hot dog, homeless dans le creux des yeux
Quelqu’un dans ma tête
Tricote la rumeur du diable
Free jazz, ghost music
Fumigène bleu blues dans l’âme
Est-ce un chien là-bas
Qui se traîne dans la boue ?
Est-ce un caniveau supplémentaire
dans l’escalier de mes arrières pensées ?
Batterie, cymbales de rêve ou…
De la misère du rêve ?
Un jour j’ai rêvé
Du nœud de la nuit
J’ai rêvé
Que je tuais ce maudit saxophoniste
Un lame en travers de la gorge
Pour lui prendre
Le dernier solo de souffle
J’ai rêvé
Part 5
Accords mineurs sous le bitume
La musique de celle
Qui me lèche l’oreille
Au 3ème étage
De la canalisation de gaz
-free gaz-
Je retrouve la fille facile
Qui marche à reculons dans la cuisine
Elle colle
Un domino sur mon front
Et danse
En bullant son chewing-gum
Et je joue
Et je souffle
Et je la maintiens en joue
Elle est sexy dans l’œil du loup
Et moi je serai le loup de cette nuit
Qui se souvient de mon nom
Sax bariton du son
Black parasite de la couleur de mes doigts
Les narines dégagées pour humer
L’odeur de l’air
Entre les buildings
La pointe du rêve américain
Ou le naseau d’un chien mort de faim
Free jazz : baston à tous les étages
Ou le cœur amer de l’Amérique
J’ai rangé mon instrument dans l’étui
Mais les dollars ont moisis
Dans le taxi qui m’emmène
J’entend Taran à la radio
Tout doucement
Je m’endors sur la banquette
Part 6
Il est minuit bientôt
Sur mon bouton blues
New York en point de mire
Et l’alchimie des haleines fraîches
Combien de clones de Travis Bickle
Pendus à mes basques ?
Et combien d’imperméables
A ouvrir dans la boue ?
Je vais de club en club
Avec mon magasin de bouche
Un sax en argent ténor
Qui me tient debout pendant la sueur
Je n’aime que les airs mauvais,
Le souffle cool
Et les bad things du même genre
Les trucs fous que je mets en joue
Yeux dans les yeux
Avec les filles du troisième rang
Les autres,
Les putains les moins frileuses
Restent dehors pour caler les réverbères
Attendant le relevé de proxénètes
L’une d’elle
C’est sur
M’aidera à monter jusqu’au 5ème étage
D’un hôtel crasseux
Et je m’endormirai
Sur son vieux matelas taché
Comme un gros bébé
Part 7
Je rêve de foutaises et de soleil
Et de sax rutilant
Et de cravate en soie
Toujours mieux que les boutons blues
Le petit matin
C’est pour le rappel
Après, je vais me rouler sur le comptoir
Je flinguerai jusqu’à l’aube de la 17ème rue
Pour réviser mes jobs
Et mes liasses de dollars
Orgies sous Brooklyn
Les pas doux des léopards
Qui se cachent sous les voitures
Misère du jazz, foutaises
Tous près, les échos d’une bagarre
Les couteaux cruels
Qui se nettoient dans le sang
Je me lave aussi
Un nuage sur la nuque
Mais qui a parlé de poudre blanche ?
Je me souviens que tous les matins
Charlie Parker, Charlie
Faisait toujours son lit…
Part 8
Il y a du sel sur mon saxo
Et des cris de femmes autour
Des cris dans la chair des voyelles claires
Et dans les notes les plus fécondes
Free jazz hour, mais encore ?
Pas le droit de penser quand on souffle
Souvenir de nausée, cassure
Chose infâme
Je peux lire l’avenir dans la fumée
Et dans le décolleté de la blonde
John Coltrane flotte quelque part
Au dessus de moi
Il ricane
Parce que je suis à l’endroit du piano mort
A quatre heures moins dix
Je range mes oreilles dans l’étui
C’est ma tournée
Dehors,
La sang du tourbillon
Des ivresses harmoniques
Qui me subjuguent
J’ai la fièvre
Et un goût de sel dans la bouche
Les paroles que je range dans ma veste
Sont pour le verre de whisky
The last
Whisky !!
Whisky pour la mouche !!