Sunday, May 01, 2005

Free Jazz Poème en 8 parties

Auteur: Jolyon Derfeuil ©



Part 1


Oublié

Oublié sur l’étagère

Mon vieux solo de blues

Sur la 58ème rue

J’étais presque nu

Je revidais pour la 15ème fois

Ma bouteille de Ginger ale

Et me lavais les dents dans la lune

Oh sexy, sexy

La vendeuse de journaux

Le Times ou

Le New York Herald Tribune

L’horoscope, pourquoi faire ?

J’avais déjà lu dans ma boule

Alors vous pensez, les dollars à la petite cuillère..

Roulement de batterie

Caniveau sous la pluie

Quelques diamants sur la banquette du taxi

Maintenant Free jazz pour l’errance

Un peu de bruit dans les yeux

Des morceaux d’ongle sur le vinyle

J’ai le compteur mauvais

Et l’haleine de même

Mais ce soir j’aime

La radio la radio la radio


Part 2


Broadway Blue jazz,

La lune coincée entre deux tours

Automne-hiver 1956

De boîte en boîte

Je fais des ricochets

Et balance mes cigarettes dans le soupirail

Sur le sidewalk

Les traces d’un saxophone éclaté

Notes éparses,

Overdoses de blue-note

Il est probablement mort

D’avoir trop soufflé

Dans les cernes de ses yeux

Jazz-claque

Deux talons aiguilles dans les prunelles

Je rêve que je souffle dans la lune

Jazzy saxo !

Charlie Parker me tape dans le dos

Et j’expulse…un vibrato

Friction grave

Un peu sourd dans l’âme

Le clavier du cuivre me fend l’oreille

Et laisse la zone en suspend

Mon âme est coincée

Entre les poubelles et les murs

De la 17ème rue

Sexy poubelle, sexy demoiselle

Un air de piano me prend à la gorge

Là-bas, c’est un drôle de tueur

Il dit :

Improvise le couteau

Pendant que j’aiguise un morceau…

Part 3


Musicien du free

Celui qui s’avance en silence

De la paille dans les viscères

Et de l’air dans la tête

Homme faux, labyrinthique

Une note, red note

Qui va et vient dans le corps

Body and soul

Pas trop grave le soir

Dans ses poches des restes de cadavres numériques

Accouplement passé futur

Il rit très fort parce qu’il est sur

L’avenue Oscar Peterson

(l’homme au piano flamboyant)

Il fait nuit et les diamants

Sont dans ses yeux

Il ressort, lessivé d’un de ses clubs

Son maigre cachet sera pour la bouteille

Et le petit déjeuner à l’hôtel


Part 4

Free grave, free jazz, free crime

Contrebasse de bois, duel de note

Cacophonie du cœur

De la nuit

Tout ce qui m’accompagne en killer

Hot dog, homeless dans le creux des yeux

Quelqu’un dans ma tête

Tricote la rumeur du diable

Free jazz, ghost music

Fumigène bleu blues dans l’âme

Est-ce un chien là-bas

Qui se traîne dans la boue ?

Est-ce un caniveau supplémentaire

dans l’escalier de mes arrières pensées ?

Batterie, cymbales de rêve ou…

De la misère du rêve ?

Un jour j’ai rêvé

Du nœud de la nuit

J’ai rêvé

Que je tuais ce maudit saxophoniste

Un lame en travers de la gorge

Pour lui prendre

Le dernier solo de souffle

J’ai rêvé


Part 5


Accords mineurs sous le bitume

La musique de celle

Qui me lèche l’oreille

Au 3ème étage

De la canalisation de gaz

-free gaz-

Je retrouve la fille facile

Qui marche à reculons dans la cuisine

Elle colle

Un domino sur mon front

Et danse

En bullant son chewing-gum

Et je joue

Et je souffle

Et je la maintiens en joue

Elle est sexy dans l’œil du loup

Et moi je serai le loup de cette nuit

Qui se souvient de mon nom

Sax bariton du son

Black parasite de la couleur de mes doigts

Les narines dégagées pour humer

L’odeur de l’air

Entre les buildings

La pointe du rêve américain

Ou le naseau d’un chien mort de faim

Free jazz : baston à tous les étages

Ou le cœur amer de l’Amérique

J’ai rangé mon instrument dans l’étui

Mais les dollars ont moisis

Dans le taxi qui m’emmène

J’entend Taran à la radio

Tout doucement

Je m’endors sur la banquette


Part 6

Il est minuit bientôt

Sur mon bouton blues

New York en point de mire

Et l’alchimie des haleines fraîches

Combien de clones de Travis Bickle

Pendus à mes basques ?

Et combien d’imperméables

A ouvrir dans la boue ?

Je vais de club en club

Avec mon magasin de bouche

Un sax en argent ténor

Qui me tient debout pendant la sueur

Je n’aime que les airs mauvais,

Le souffle cool

Et les bad things du même genre

Les trucs fous que je mets en joue

Yeux dans les yeux

Avec les filles du troisième rang

Les autres,

Les putains les moins frileuses

Restent dehors pour caler les réverbères

Attendant le relevé de proxénètes

L’une d’elle

C’est sur

M’aidera à monter jusqu’au 5ème étage

D’un hôtel crasseux

Et je m’endormirai

Sur son vieux matelas taché

Comme un gros bébé


Part 7


Je rêve de foutaises et de soleil

Et de sax rutilant

Et de cravate en soie

Toujours mieux que les boutons blues

Le petit matin

C’est pour le rappel

Après, je vais me rouler sur le comptoir

Je flinguerai jusqu’à l’aube de la 17ème rue

Pour réviser mes jobs

Et mes liasses de dollars

Orgies sous Brooklyn

Les pas doux des léopards

Qui se cachent sous les voitures

Misère du jazz, foutaises

Tous près, les échos d’une bagarre

Les couteaux cruels

Qui se nettoient dans le sang

Je me lave aussi

Un nuage sur la nuque

Mais qui a parlé de poudre blanche ?

Je me souviens que tous les matins

Charlie Parker, Charlie

Faisait toujours son lit…


Part 8


Il y a du sel sur mon saxo

Et des cris de femmes autour

Des cris dans la chair des voyelles claires

Et dans les notes les plus fécondes

Free jazz hour, mais encore ?

Pas le droit de penser quand on souffle

Souvenir de nausée, cassure

Chose infâme

Je peux lire l’avenir dans la fumée

Et dans le décolleté de la blonde

John Coltrane flotte quelque part

Au dessus de moi

Il ricane

Parce que je suis à l’endroit du piano mort

A quatre heures moins dix

Je range mes oreilles dans l’étui

C’est ma tournée

Dehors,

La sang du tourbillon

Des ivresses harmoniques

Qui me subjuguent

J’ai la fièvre

Et un goût de sel dans la bouche

Les paroles que je range dans ma veste

Sont pour le verre de whisky

The last

Whisky !!

Whisky pour la mouche !!